Valérie Lesage, Le Soleil, Publié le 23 décembre 2008
(Québec) Est-ce qu'on peut encore aujourd'hui écrire une immortelle? Je suis tentée de dire qu'on s'approche de la mission impossible.
À part Dégénérations du groupe Mes Aïeux, trouvez-en des chansons qui, dans les dernières années, ont laissé leur empreinte dans les oreilles d'à peu près tout le monde au Québec. Par l'entremise de la SOCAN, j'ai consulté la liste des chansons les plus jouées à la radio depuis le début de la décennie et plusieurs d'entre elles sont probablement inconnues d'une majorité de Québécois. Pire, ceux qui les connaissent risquent bien de les oublier, si ce n'est déjà fait. Demandez à votre voisin de bureau de fredonner Point de mire d'Ariane Moffatt ou Comme dans l'temps de Kaïn et vous verrez. Ces titres, et on pourrait en nommer plein d'autres, font pourtant partie des plus grands succès radio de 2005 à 2007.
Les artistes d'aujourd'hui ont-ils moins de talent que leurs prédécesseurs dans l'écriture de chansons marquantes? On ne doit pas écarter cette possibilité à une époque où certains auteurs-compositeurs mettent parfois davantage d'efforts dans la création de nappes sonores sophistiquées que dans l'écriture des paroles et des mélodies. Mais j'ai beaucoup de mal à croire qu'on soit vraiment en panne de talents, surtout dans la période d'effervescence que nous traversons.
Gilles Valiquette me disait récemment en entrevue que beaucoup de classiques s'écrivent encore, mais que les gens ne les connaissent pas. Nous serions donc entrés dans l'époque des belles au bois dormant.
Des chansons au fort potentiel d'immortalité, pour leurs qualités mélodiques et poétiques, ne trouvent tout simplement pas le chemin d'une diffusion de masse. Gilles Vigneault songeait l'automne dernier qu'il avait perdu la faculté d'écrire des hits. Il n'est pas moins doué qu'avant! Mais qui, à part Radio-Canada, est prêt à diffuser ses nouvelles chansons? Daniel Boucher a écrit, sur Le soleil est sorti, des pièces formidables, avec des mélodies qui vous happent, mais ont-elles même une petite chance d'atteindre un jour les 25 000 diffusions qui les coifferaient du titre de classiques de la SOCAN? Idem pour Pierre Lapointe, Richard Desjardins, les dernières de Richard Séguin ou les quelques perles d'Andrea Lindsay, Catherine Major et Damien Robitaille.
Les chansons des années 1980 (Marjo, Diane Tell, Richard Séguin, Daniel Lavoie) sont celles qui ont gagné le plus rapidement le statut de classiques, favorisées par les quotas de musique francophone imposés aux radios quelques années plus tôt, mais aussi par une industrie qui tournait au ralenti. Un nombre restreint d'artistes entrait en compétition. Hélène de Roch Voisine n'a mis que huit ans pour atteindre 25 000 diffusions. Par comparaison, le Jack Monoloy de Vigneault a mis 46 ans et La complainte du phoque en Alaska, de Beau Dommage a mis 20 ans.
Devenir un classique SOCAN ne garantit pas l'immortalité (pas sûre que Pied de poule traversera les générations), mais ce statut est sans doute un pas dans la bonne direction. Un pas qui sera de plus en plus difficile à franchir dans un marché radiophonique devenu figé dans des créneaux particuliers (ce qui n'était pas le cas jusqu'à la fin des années 1980). Rares sont les chansons dites cross over, qu'on peut diffuser autant sur Énergie que sur Rock Détente et Radio-Canada.
Le marché de la télé s'est quant à lui divisé en plusieurs niches. Jusque dans les années 1980, un chanteur invité à une émission de musique à la SRC rejoignait une large partie de la province et gagnait le statut de vedette. Aujourd'hui, Karkwa peut bien aller chez France Beaudoin, les gars du groupe marcheront dans la rue incognito le lendemain car la part de marché du diffuseur s'est réduite.
Enfin, la musique se décline maintenant en une variété de styles, ce qui contribue aussi au morcellement des publics et donc, à la diminution de l'impact des chansons dans la mémoire collective.
Alors que faire maintenant pour réveiller les belles au bois dormant?
(Québec) Est-ce qu'on peut encore aujourd'hui écrire une immortelle? Je suis tentée de dire qu'on s'approche de la mission impossible.
À part Dégénérations du groupe Mes Aïeux, trouvez-en des chansons qui, dans les dernières années, ont laissé leur empreinte dans les oreilles d'à peu près tout le monde au Québec. Par l'entremise de la SOCAN, j'ai consulté la liste des chansons les plus jouées à la radio depuis le début de la décennie et plusieurs d'entre elles sont probablement inconnues d'une majorité de Québécois. Pire, ceux qui les connaissent risquent bien de les oublier, si ce n'est déjà fait. Demandez à votre voisin de bureau de fredonner Point de mire d'Ariane Moffatt ou Comme dans l'temps de Kaïn et vous verrez. Ces titres, et on pourrait en nommer plein d'autres, font pourtant partie des plus grands succès radio de 2005 à 2007.
Les artistes d'aujourd'hui ont-ils moins de talent que leurs prédécesseurs dans l'écriture de chansons marquantes? On ne doit pas écarter cette possibilité à une époque où certains auteurs-compositeurs mettent parfois davantage d'efforts dans la création de nappes sonores sophistiquées que dans l'écriture des paroles et des mélodies. Mais j'ai beaucoup de mal à croire qu'on soit vraiment en panne de talents, surtout dans la période d'effervescence que nous traversons.
Gilles Valiquette me disait récemment en entrevue que beaucoup de classiques s'écrivent encore, mais que les gens ne les connaissent pas. Nous serions donc entrés dans l'époque des belles au bois dormant.
Des chansons au fort potentiel d'immortalité, pour leurs qualités mélodiques et poétiques, ne trouvent tout simplement pas le chemin d'une diffusion de masse. Gilles Vigneault songeait l'automne dernier qu'il avait perdu la faculté d'écrire des hits. Il n'est pas moins doué qu'avant! Mais qui, à part Radio-Canada, est prêt à diffuser ses nouvelles chansons? Daniel Boucher a écrit, sur Le soleil est sorti, des pièces formidables, avec des mélodies qui vous happent, mais ont-elles même une petite chance d'atteindre un jour les 25 000 diffusions qui les coifferaient du titre de classiques de la SOCAN? Idem pour Pierre Lapointe, Richard Desjardins, les dernières de Richard Séguin ou les quelques perles d'Andrea Lindsay, Catherine Major et Damien Robitaille.
Les chansons des années 1980 (Marjo, Diane Tell, Richard Séguin, Daniel Lavoie) sont celles qui ont gagné le plus rapidement le statut de classiques, favorisées par les quotas de musique francophone imposés aux radios quelques années plus tôt, mais aussi par une industrie qui tournait au ralenti. Un nombre restreint d'artistes entrait en compétition. Hélène de Roch Voisine n'a mis que huit ans pour atteindre 25 000 diffusions. Par comparaison, le Jack Monoloy de Vigneault a mis 46 ans et La complainte du phoque en Alaska, de Beau Dommage a mis 20 ans.
Devenir un classique SOCAN ne garantit pas l'immortalité (pas sûre que Pied de poule traversera les générations), mais ce statut est sans doute un pas dans la bonne direction. Un pas qui sera de plus en plus difficile à franchir dans un marché radiophonique devenu figé dans des créneaux particuliers (ce qui n'était pas le cas jusqu'à la fin des années 1980). Rares sont les chansons dites cross over, qu'on peut diffuser autant sur Énergie que sur Rock Détente et Radio-Canada.
Le marché de la télé s'est quant à lui divisé en plusieurs niches. Jusque dans les années 1980, un chanteur invité à une émission de musique à la SRC rejoignait une large partie de la province et gagnait le statut de vedette. Aujourd'hui, Karkwa peut bien aller chez France Beaudoin, les gars du groupe marcheront dans la rue incognito le lendemain car la part de marché du diffuseur s'est réduite.
Enfin, la musique se décline maintenant en une variété de styles, ce qui contribue aussi au morcellement des publics et donc, à la diminution de l'impact des chansons dans la mémoire collective.
Alors que faire maintenant pour réveiller les belles au bois dormant?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire