Karkwa la grande réunion d'octobre 2017

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samedi 26 avril 2008

Karkwa: l'étoffe des plus grands

Louis-Jean Cormier (au centre, à l’extrême gauche). À l’arrière, de gauche à droite: Stéphane Bergeron (batterie) et Martin Lamontagne (basse). À l’avant, de gauche à droite: François Lafontaine (piano, claviers, etc.) et Julien Sagot (percussions, vibraphone, glockenspiel).

Photo Robert Mailloux, La Presse


Karkwa figure déjà parmi les meilleurs groupes rock d'ici. Avec Le volume du vent, un disque plus orchestré et plus raffiné que tout ce qu'il a pu enregistrer avant, il fait un autre pas de géant. Visite dans le repaire d'un quintette capable d'être bruyant, mais qui sait surtout être brillant.

Planté derrière une caisse enregistreuse ou devant un écran d'ordinateur, on s'imagine facilement que la meilleure façon d'échapper à la routine, c'est de faire partie d'un groupe de rock. Imaginez: pas de patron dans le dos, grasses matinées garanties, excès de toutes sortes considérés comme des avantages sociaux non imposables. «La musique, c'est la dernière grande liberté qu'il nous reste», a déjà affirmé Roger Daltrey, des Who, qui sait ce que c'est qu'une vie coulée dans le rock.

L'antidote rêvé à la routine, la vie de rockeur? Pas si vite. La vie de tournée, perçue comme l'ultime bastion de liberté, est paradoxalement le moment où la vie du musicien peut ressembler à un job. Départ à telle heure. L'incontournable balance de son. Oui, on commence encore par la batterie. Et au moment du spectacle, l'ordre des chansons est souvent le même que la veille. Et que la semaine d'avant...

Elle est où, alors, la liberté du rockeur? Dans son local de répétition. L'antre où il tâte, taponne, trifouille et tergiverse jusqu'à ce qu'il trouve un bon filon. Le local, c'est un lieu presque intime, fréquenté seulement par les musiciens et leur entourage, dont l'emplacement est rarement connu des fans. Ce mystère constitue également une police d'assurance gratuite contre les cambriolages. On ne change pas de guitare comme on change de télé.

Karkwa tient à exploiter au maximum son espace de liberté. On ne parle pas de gérer des pieds carrés - son local de répétition de la rue d'Iberville est encombré d'instruments, d'amplis et de moniteurs -, mais d'exploiter à fond sa créativité. «Chaque fois qu'on finit un disque, j'ai l'impression qu'il est trop pop», confie Louis-Jean Cormier, chanteur et guitariste du groupe. Le volume du vent, à paraître mardi, ne fait pas exception à la règle. Même après des mois de travail et de réflexion, il n'a pu s'empêcher de se demander: «Est-ce qu'on est allés assez loin? Est-ce qu'on aurait dû faire plus de trucs fuckés?»


Du cégep à Austin, Texas


On peut penser bien des choses du groupe complété par François Lafontaine (claviers, piano), Stéphane Bergeron (batterie), Martin Lamontagne (basse) et Julien Sagot (percussions, glockenspiel). Que Karkwa est un nom bien curieux, d'abord. Que le son éparpillé de son premier disque ne laissait pas vraiment présager les déflagrations rock à venir. Que l'influence de Radiohead transparaît un peu trop ici et là sur Les tremblements s'immobilisent. Mais trop pop? Ce n'est pas exactement ce qui vient en tête lorsqu'on se frotte les oreilles à ses chansons.

Karkwa, sorti de l'ombre en 1998 à la faveur du concours Cégeps en spectacle, n'a jamais flirté avec le rock formaté prisé par les radios commerciales. Le pensionnat des établis, paru en 2003, faisait flèche de tout bois et amalgamait des éléments de jazz, de funk et de rock. Aussi ambitieux, Les tremblements s'immobilisent, sorti en novembre 2005, est résolument plus rock. Le décalage entre les deux premiers albums de Karkwa ne pourrait être plus grand. Même après tout ce temps, on a encore du mal à se convaincre que l'ample ballade rock M'empêcher de sortir est l'oeuvre du groupe qui a enregistré le refrain guilleret de Tableau africain.

En plus de valoir au groupe un Félix (ex aequo avec Pierre Lapointe) et un prix Félix-Leclerc, Les tremblements s'immobilisent lui a permis de s'illustrer à l'étranger. Karkwa, qui avait déjà traversé l'Atlantique pour enregistrer une chanson avec Brigitte Fontaine (Red Light), a présenté plusieurs spectacles en France et fait aussi partie des rares groupes francophones d'ici à avoir participé au South By Southwest, le supermarché du rock qui se tient chaque mois de mars à Austin, au Texas.

«L'espèce de buzz qu'il y a autour de la musique montréalaise, c'est vrai, témoigne Louis-Jean Cormier. Il y a des gens qui viennent te voir parce que tu viens de Montréal. Et là, la barrière de la langue prend le bord.» Karkwa ne rêve pas naïvement de percer aux États-Unis, mais pas question de lever le nez sur ce genre d'invitation, d'autant plus qu'une foule de programmateurs de festivals européens font aussi le voyage. «On ne prétend pas qu'on va conquérir le monde, mais on ne va pas dire non plus qu'on ne veut jouer qu'au Québec», souligne Julien Sagot.


Boucler la boucle


Louis-Jean Cormier parle de «quête d'identité», en évoquant l'éparpillement du Pensionnat des établis. Cinq ans plus tard, Karkwa s'est trouvé. Le volume du vent ne marque pas une rupture avec l'album précédent. Parlons plutôt de continuité. «Sur Les tremblement s'immobilisent, on avait commencé quelque chose sans aller au bout de notre idée, estime le chanteur. C'est un super album et je le trouve bien ramassé, mais on avait envie d'aller plus loin dans cette espèce de buzz orchestral. De rajouter, de traiter les voix, de rajouter des choeurs.

«On sentait le besoin de boucler la boucle. De confirmer ce qu'on était en train de faire, sans rester au même stade», poursuit-il. Assis par terre ou sur des amplis, les autres acquiescent en silence. Puis, François Lafontaine, l'autre compositeur du groupe, ajoute: «Après coup, je me rends compte qu'on voulait prendre conscience des instruments dont on joue et voir ce qu'ils pourraient faire d'autre que ce qu'ils font normalement.»

Ni Karkwa ni aucun de ses contemporains québécois n'a jamais enregistré un album d'une telle envergure. Les orchestrations les plus expérimentales s'imbriquent parfaitement dans des chansons qui demeurent des chansons, justement. Le piano souvent minimaliste et évanescent de François Lafontaine apparaît et disparaît avec à propos. Son génie, c'est justement d'être discret. Et ce n'est qu'un exemple du raffinement du Volume du vent.

«Ce qu'on veut, c'est créer une espèce d'univers, une image suggestive», dit encore François Lafontaine. Karkwa ne fait pas un rock accrocheur au sens strict du terme. Les lignes mélodiques et les refrains relèvent rarement de l'évidence. Ce qui n'enlève rien à son magnétisme. Plus on écoute Le volume du vent, plus on prend conscience d'une chose rare: on perçoit clairement le discours de chacun des musiciens, qui ont tous l'espace nécessaire pour s'exprimer.

«Du moment que tu amènes une chanson dans le local, tu peux être sûr et certain qu'elle va changer. Elle ne sonnera jamais comme ce que tu avais en tête au départ. Et c'est ça qui est cool, dit-il avec enthousiasme. C'est pour ça qu'on travaille ensemble, pour avoir cinq points de vue qui poussent une chanson à son maximum.»

«Il faut aller au bout de l'idée de la personne qui amène le riff, poursuit le bassiste, Martin Lamontagne. Même si moi, à la première écoute, ça ne me tente pas, il faut le mener au bout, se faire confiance.» Le plus difficile, selon Stéphane Bergeron, c'est de trouver sa place dans les chansons les plus simples. Karkwa, sans être un groupe particulièrement économe, tient à ce que rien dans le son n'ait l'air plaqué ou gratuit.


Le compteur tourne


L'image qui s'impose quand on a ces cinq gars devant soi, c'est celle d'un groupe réfléchi. D'un groupe mûr. Le questionnement placé au coeur du Volume du vent est précisément celui du temps qui passe et son corollaire, le vieillissement. «Je sens que le temps passe sur ce qui m'entoure / Plus que sur moi-même», chante Louis-Jean Cormier, dans Le compteur, mettant au jour un drôle de paradoxe. «On prend conscience de son propre vieillissement par les autres. On regarde notre entourage et on trouve qu'untel ou untel a vieilli. Et on se rend compte que s'ils vieillissent, on n'a pas forcément rajeuni!» rigole François Lafontaine.

Or, vieillir pour un groupe de rock, ce n'est pas toujours facile. Passé un certain âge, il y a des artistes qui délaissent le rock pour une forme musicale moins agressive - Fersen a déjà fait du punk. Ceux qui décident de poursuivre l'aventure deviennent parfois des caricatures d'eux-mêmes (on salue les Rolling Stones) ou se font reprocher par leurs fans de faire trop de ballades (U2, par exemple).

Les gars de Karkwa n'ont pas la moitié de l'âge moyen des membres des Stones. Ils ont aussi le «feeling de rester jeunes», parce qu'ils font du rock. Leur musique témoigne cependant clairement d'une certaine maturité. «L'envie que ça défonce, ça ne lâche pas», dit Louis-Jean Cormier. En vieillissant, ils ne se laissent plus guider simplement par leurs pulsions musicales. L'important, c'est de se mettre au service de la chanson, disent-ils.

«Mais là, j'ai un désir de rocker qui revient!» lance Louis-Jean Cormier, avec un sourire féroce. Son envie tombe à point. La vie supposément non routinière des rockeurs veut que, après la sortie d'un disque, vienne la tournée. Karkwa - et son chanteur - pourra se lâcher...

Alexandre Vigneault/La Presse

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Avertissement: Ce blog à pour but de regrouper et archiver les articles parus sur le net à propos de Karkwa. Il est fait par amitié pour les membres du groupe et leur entourage. Les liens vers les sites et articles d'origine sont faits, les auteurs sont cités lorsque possible. Si quiconque se sentait lésé dans ses droits, il n'aurait qu'a me contacter pour que je puisse remédier à la situation.