À peine sortait-il sur nos rayons mardi dernier que Le volume du vent, troisième album du groupe Karkwa, récoltait déjà éloges et honneurs sur la place publique. Il ne faudra sûrement pas bien longtemps avant que l'opinion du public et le palmarès des ventes ne suivent les traces de ce fulgurant succès critique. De " meilleur groupe de la relève ", le quintette passe au qualificatif de " meilleur groupe montréalais de l'heure " au sein des acteurs de l'industrie musicale québécoise.
C'est par Les tremblements s'immobilisent que la formation francophone s'est véritablement dévoilée au grand public; ce deuxième album pour le groupe a été en quelque sorte celui qui les engagea enfin sur leur voie, musicalement parlant, mais également sur " leur voie du succès ". Karkwa a ainsi remporté le prix Félix-Leclerc aux FrancoFolies de 2006, un Félix pour l'auteur-compositeur de l'année partagé ex aequo avec nul autre que Pierre Lapointe, et le groupe tâte déjà du terrain en France. Il est même probable que Le volume du vent couve déjà lui-même quelques prix honorifiques et rejoindra son grand frère sur le Vieux Continent, avec ses sonorités peaufinées et ses ambiances finement construites, ses harmonies vocales souvent planantes, ses arrangements étoffés, ses textes imagés, et ses fructueuses collaborations avec quelques artistes invités tels Patrick Watson, Olivier Langevin ou encore Élizabeth Powell de Land of Talk. Rencontre avec le chanteur guitariste et auteur Louis-Jean Cormier, le claviériste et compositeur François Lafontaine et le batteur Stéphane Bergeron, dans leur local de pratique de la rue Iberville.
Vous étiez d'abord les favoris de la scène montréalaise, dite alternative, et des postes de radio plus en marge. Maintenant qu'on vous entend sur les radios commerciales et que vous vous retrouvez en nomination au Gala de l'ADISQ, êtes-vous un peu boudés par le milieu " alternatif "?
François Lafontaine : Je crois que ce n'est pas vraiment arrivé, à part des petits commentaires... On saute sur toutes les occasions. Et on fait encore bien des petites salles, et des petites villes, et on aime participer à des trucs plus alternatifs.
Louis-Jean-Cormier : Mais c'est vrai que ce genre de chose peut arriver, ce que je trouve bien plate. Le Québec, c'est tellement un petit milieu qu'on n'est pas pour commencer à se fermer des portes en se disant : Nous allons boycotter tel gros gala parce que nous sommes underground... On n'a pas changé pour autant.
Stéphane Bergeron : Je trouve qu'un moment donné, tout ça éclipse un peu le contenu musical. À la base, si la musique est bonne, que tu aimes ça, tu ne te poses pas ces questions-là. La musique d'Arcade Fire a joué dans toutes les radios underground de Montréal, puis partout dans le monde, et ça tournait aussi à des postes comme CKMF et c'est bien : pourquoi ne pas faire découvrir cette musique-là à un autre public? Un moment donné, ça ressemble juste à du " niaisage " tout ça...
Vous êtes maintenant avec la maison de disque Audigram, qui a produit Le volume du vent, alors que vous aviez produit vous-mêmes Les tremblements s'immobilisent et votre premier album Le pensionnat des établis. Y avait-il une crainte de perdre ainsi une certaine liberté?
L-J.C : Les gens d'Audiogram nous donnent vraiment carte blanche. Étant produits par eux, nous avions encore plus d'espace dans le cerveau pour travailler, pour faire juste de la musique. Côté artistique, ils nous font vraiment confiance, on fait ce qu'on veut. On aurait pu arriver avec un album genre musique actuelle-trash-complexe et ils nous auraient acceptés!
S.B. : La croyance populaire c'est : tu arrives dans une grosse maison de disque, tu n'es plus indépendant, et tu vas perdre ton contrôle artistique. Mais ce contrat-là, ça nous donnait l'occasion d'avoir moins de stress. Tu veux faire venir un quatuor à cordes, tu les fais venir, et tu enregistres : c'est simple.
L-J.C. : Ce disque-là a coûté le même prix que Les tremblements..., mais c'était moins de gestion pour nous. Il y a une structure organisationnelle chez Audiogram qui est confortable et c'est pour ça qu'on est là.
Vous dites être influencés par le cinéma, par certains cinéastes comme Werner Herzog, les frères Coen, Claude Jutra, Fellini...
F.L. : Ce sont deux univers qui se rejoignent pas mal je trouve, le cinéma et la musique. Pour composer ou pour arranger de la musique, je trouve que le cinéma m'inspire autant que la musique qu'on écoute... Ça suggère quelque chose...
L-J.C. : Surtout pour l'écriture. Souvent, quand j'écris les textes, c'est le cinéma qui va m'influencer. Et je trouve qu'une bonne chanson, c'est une chanson simple qui parle avec des images fortes...
F.L. : Et c'est un peu ça Karkwa, on essaie tout le temps que ça crée une image dans la tête, sans l'imposer non plus. Que ce soit malléable pour que tu puisses découvrir quelque chose chaque fois. D'ailleurs, la musique de film, c'est quelque chose qu'on aimerait vraiment faire un jour!
Certaines de vos chansons abordent des réalités sociales, comme votre premier extrait, Échapper au sort, qui évoque l'histoire d'un homme de la rue finissant ses jours dans un banc de neige. Y voyez-vous une forme d'engagement social?
L-J.C : On ne veut pas avoir cette prétention-là. On ne veut pas prétendre être engagés, dans le sens où on va décrire une situation, mais on n'ira pas crier haut et fort et proclamer contre le gouvernement... Je trouve que juste d'écrire qu'il y a encore des jeunes de nos jours qui ont une enfance pas facile, qui vont parfois se retrouver à vivre dans la rue et aller peut-être mourir dans un banc de neige, juste de décrire ça, je trouve que ça suggère, sans imposer.
S.B. : C'est juste du gros bon sens un moment donné : ce n'est pas rattaché à une cause précise... Je veux dire, on va sur la Lune et il y a encore des usines où il y a des enfants qui font des T-shirts. Ça fait longtemps qu'on a l'électricité et le chauffage, mais il est quand même là, mort dans un banc de neige...On est évolués et pas évolués en même temps.
L-J.C. : Des fois, on se sent interpellés par un sujet qu'il est important de traiter et moi, je trouve ça important de prendre position en dehors de la musique. Oui, on a une tribune, oui, on fait des shows, on s'adresse à beaucoup de monde... On va aller faire un show, par exemple, comme l'année passée, pour inciter les jeunes à prendre position et aller voter, on a fait une tournée pour ça avec la FEUQ, et ça, c'est prendre position. Je trouve qu'il y a du monde, comme Loco Locass, qui eux ont vraiment un bagage pour en traiter dans leur chanson.
Les tremblements s'immobilisent a été lancé en France, en novembre dernier, après que vous y ayez fait quelques prestations. Comment s'enligne votre carrière là-bas? Qu'elle est votre ambition pour le groupe?
L-J.C : On a vraiment l'ambition d'en vivre et de bien en vivre. Ça a toujours été un peu ça notre but : réussir à vivre de notre musique. Là, on fait ce qu'on veut; c'est de la belle survie! On est tous un peu cassés, mais on fait juste ça et on en est super heureux. Je pense que la vraie ambition se serait de jouer partout sur la planète. En France, on est encore en développement là-bas. Mais chaque fois qu'on y va, il y a de plus en plus de monde. J'ai hâte d'y retourner parce qu'on n'est pas allés depuis le lancement de l'album. Ce qui nous a beaucoup aidés, c'est la tournée qu'on a fait là-bas en première partie des Cowboys Fringants. C'était tout le temps des salles de 1500 personnes à peu près, remplies! C'est fou de voir comment les Cowboys ont développé leur public en France! On les a remerciés en les envoyant à une partie de hockey là-bas! Après ça, on s'est dits qu'on devrait faire plusieurs premières parties comme ça, ce qui nous ferait ratisser rapidement le territoire, et faire connaître Karkwa comme ça.
DU TAC AU TAC
Un bon conseil?
Ne vous assoyez pas sur votre talent!
Un film?
Il était une fois dans l'Ouest (Sergio Leone, 1969), chef-d'œuvre cinématographique... Il y a aussi les Monthy Python, Les frères Coen...
Un héros?
Notre gérant!
Un mot de la langue française?
Champlure, on parle souvent de robinet, mais pas vraiment de champlure... Frimas aussi, qui est un titre sur l'album...
Un plaisir coupable que vous partagez?
Le backgammon... En tournée, on prend aussi plaisir à écouter la chanson Cœur de Loup, de Philippe Lafontaine!
PASCALE GAUTHIER
C'est par Les tremblements s'immobilisent que la formation francophone s'est véritablement dévoilée au grand public; ce deuxième album pour le groupe a été en quelque sorte celui qui les engagea enfin sur leur voie, musicalement parlant, mais également sur " leur voie du succès ". Karkwa a ainsi remporté le prix Félix-Leclerc aux FrancoFolies de 2006, un Félix pour l'auteur-compositeur de l'année partagé ex aequo avec nul autre que Pierre Lapointe, et le groupe tâte déjà du terrain en France. Il est même probable que Le volume du vent couve déjà lui-même quelques prix honorifiques et rejoindra son grand frère sur le Vieux Continent, avec ses sonorités peaufinées et ses ambiances finement construites, ses harmonies vocales souvent planantes, ses arrangements étoffés, ses textes imagés, et ses fructueuses collaborations avec quelques artistes invités tels Patrick Watson, Olivier Langevin ou encore Élizabeth Powell de Land of Talk. Rencontre avec le chanteur guitariste et auteur Louis-Jean Cormier, le claviériste et compositeur François Lafontaine et le batteur Stéphane Bergeron, dans leur local de pratique de la rue Iberville.
Vous étiez d'abord les favoris de la scène montréalaise, dite alternative, et des postes de radio plus en marge. Maintenant qu'on vous entend sur les radios commerciales et que vous vous retrouvez en nomination au Gala de l'ADISQ, êtes-vous un peu boudés par le milieu " alternatif "?
François Lafontaine : Je crois que ce n'est pas vraiment arrivé, à part des petits commentaires... On saute sur toutes les occasions. Et on fait encore bien des petites salles, et des petites villes, et on aime participer à des trucs plus alternatifs.
Louis-Jean-Cormier : Mais c'est vrai que ce genre de chose peut arriver, ce que je trouve bien plate. Le Québec, c'est tellement un petit milieu qu'on n'est pas pour commencer à se fermer des portes en se disant : Nous allons boycotter tel gros gala parce que nous sommes underground... On n'a pas changé pour autant.
Stéphane Bergeron : Je trouve qu'un moment donné, tout ça éclipse un peu le contenu musical. À la base, si la musique est bonne, que tu aimes ça, tu ne te poses pas ces questions-là. La musique d'Arcade Fire a joué dans toutes les radios underground de Montréal, puis partout dans le monde, et ça tournait aussi à des postes comme CKMF et c'est bien : pourquoi ne pas faire découvrir cette musique-là à un autre public? Un moment donné, ça ressemble juste à du " niaisage " tout ça...
Vous êtes maintenant avec la maison de disque Audigram, qui a produit Le volume du vent, alors que vous aviez produit vous-mêmes Les tremblements s'immobilisent et votre premier album Le pensionnat des établis. Y avait-il une crainte de perdre ainsi une certaine liberté?
L-J.C : Les gens d'Audiogram nous donnent vraiment carte blanche. Étant produits par eux, nous avions encore plus d'espace dans le cerveau pour travailler, pour faire juste de la musique. Côté artistique, ils nous font vraiment confiance, on fait ce qu'on veut. On aurait pu arriver avec un album genre musique actuelle-trash-complexe et ils nous auraient acceptés!
S.B. : La croyance populaire c'est : tu arrives dans une grosse maison de disque, tu n'es plus indépendant, et tu vas perdre ton contrôle artistique. Mais ce contrat-là, ça nous donnait l'occasion d'avoir moins de stress. Tu veux faire venir un quatuor à cordes, tu les fais venir, et tu enregistres : c'est simple.
L-J.C. : Ce disque-là a coûté le même prix que Les tremblements..., mais c'était moins de gestion pour nous. Il y a une structure organisationnelle chez Audiogram qui est confortable et c'est pour ça qu'on est là.
Vous dites être influencés par le cinéma, par certains cinéastes comme Werner Herzog, les frères Coen, Claude Jutra, Fellini...
F.L. : Ce sont deux univers qui se rejoignent pas mal je trouve, le cinéma et la musique. Pour composer ou pour arranger de la musique, je trouve que le cinéma m'inspire autant que la musique qu'on écoute... Ça suggère quelque chose...
L-J.C. : Surtout pour l'écriture. Souvent, quand j'écris les textes, c'est le cinéma qui va m'influencer. Et je trouve qu'une bonne chanson, c'est une chanson simple qui parle avec des images fortes...
F.L. : Et c'est un peu ça Karkwa, on essaie tout le temps que ça crée une image dans la tête, sans l'imposer non plus. Que ce soit malléable pour que tu puisses découvrir quelque chose chaque fois. D'ailleurs, la musique de film, c'est quelque chose qu'on aimerait vraiment faire un jour!
Certaines de vos chansons abordent des réalités sociales, comme votre premier extrait, Échapper au sort, qui évoque l'histoire d'un homme de la rue finissant ses jours dans un banc de neige. Y voyez-vous une forme d'engagement social?
L-J.C : On ne veut pas avoir cette prétention-là. On ne veut pas prétendre être engagés, dans le sens où on va décrire une situation, mais on n'ira pas crier haut et fort et proclamer contre le gouvernement... Je trouve que juste d'écrire qu'il y a encore des jeunes de nos jours qui ont une enfance pas facile, qui vont parfois se retrouver à vivre dans la rue et aller peut-être mourir dans un banc de neige, juste de décrire ça, je trouve que ça suggère, sans imposer.
S.B. : C'est juste du gros bon sens un moment donné : ce n'est pas rattaché à une cause précise... Je veux dire, on va sur la Lune et il y a encore des usines où il y a des enfants qui font des T-shirts. Ça fait longtemps qu'on a l'électricité et le chauffage, mais il est quand même là, mort dans un banc de neige...On est évolués et pas évolués en même temps.
L-J.C. : Des fois, on se sent interpellés par un sujet qu'il est important de traiter et moi, je trouve ça important de prendre position en dehors de la musique. Oui, on a une tribune, oui, on fait des shows, on s'adresse à beaucoup de monde... On va aller faire un show, par exemple, comme l'année passée, pour inciter les jeunes à prendre position et aller voter, on a fait une tournée pour ça avec la FEUQ, et ça, c'est prendre position. Je trouve qu'il y a du monde, comme Loco Locass, qui eux ont vraiment un bagage pour en traiter dans leur chanson.
Les tremblements s'immobilisent a été lancé en France, en novembre dernier, après que vous y ayez fait quelques prestations. Comment s'enligne votre carrière là-bas? Qu'elle est votre ambition pour le groupe?
L-J.C : On a vraiment l'ambition d'en vivre et de bien en vivre. Ça a toujours été un peu ça notre but : réussir à vivre de notre musique. Là, on fait ce qu'on veut; c'est de la belle survie! On est tous un peu cassés, mais on fait juste ça et on en est super heureux. Je pense que la vraie ambition se serait de jouer partout sur la planète. En France, on est encore en développement là-bas. Mais chaque fois qu'on y va, il y a de plus en plus de monde. J'ai hâte d'y retourner parce qu'on n'est pas allés depuis le lancement de l'album. Ce qui nous a beaucoup aidés, c'est la tournée qu'on a fait là-bas en première partie des Cowboys Fringants. C'était tout le temps des salles de 1500 personnes à peu près, remplies! C'est fou de voir comment les Cowboys ont développé leur public en France! On les a remerciés en les envoyant à une partie de hockey là-bas! Après ça, on s'est dits qu'on devrait faire plusieurs premières parties comme ça, ce qui nous ferait ratisser rapidement le territoire, et faire connaître Karkwa comme ça.
DU TAC AU TAC
Un bon conseil?
Ne vous assoyez pas sur votre talent!
Un film?
Il était une fois dans l'Ouest (Sergio Leone, 1969), chef-d'œuvre cinématographique... Il y a aussi les Monthy Python, Les frères Coen...
Un héros?
Notre gérant!
Un mot de la langue française?
Champlure, on parle souvent de robinet, mais pas vraiment de champlure... Frimas aussi, qui est un titre sur l'album...
Un plaisir coupable que vous partagez?
Le backgammon... En tournée, on prend aussi plaisir à écouter la chanson Cœur de Loup, de Philippe Lafontaine!
PASCALE GAUTHIER
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