Bien malin celui qui réussira à dire du mal du quatrième album de Karkwa, Les Chemins de verre, lancé il y a quelques jours. À la fois audacieux et accessible, champ gauche et grand public, ce nouvel effort confirme ce que tout le monde savait déjà, à savoir que la bande à Louis-Jean Cormier marque l’époque de brillante façon.
Si le Québec devait choisir un seul groupe rock pour représenter son identité musicale, journalistes et mélomanes n’auraient sans doute pas besoin de débattre longtemps avant de choisir Karkwa.
La formation est tellement au sommet de son art sur Les Chemins de verre qu’elle imposerait une quasi-unanimité à un tel concours (coiffant de justesse Malajube au fil d’arrivée, tout de même).
Accessibilité
La plus grande qualité de la galette est son accessibilité. Alors que Les tremblements s’immobilisent (2008) demandait plusieurs écoutes avant d’afficher son plein potentiel, le petit dernier se laisse apprivoiser à la première occasion.
Prenez la douce Dors dans mon sang, par exemple : son piano léger et mélancolique et sa mélodie irrésistible se marient à merveille aux voix aériennes, en faisant un classique instantané que l’on voudra réécouter encore et encore.
L’entraînante L’Acouphène est un véritable ear worm qui s’incruste dans la boîte crânienne en quelques mesures seulement; idem pour la ballade Moi-Léger, magnifique.
Exploration
Ensuite, Karkwa réussit l’improbable exploit de s’avancer assez loin dans l’exploration sans pour autant perdre l’auditeur moyen. Enregistré dans un studio-manoir en France, le disque comporte son lot de percussions étouffées et d’effets de cordes recherchés (entendre Les Enfants de Beyrouth à cet effet). On ne se contente pas ici de structures classiques : chaque chanson a une naissance, un univers et une mort bien à elle, une particularité trop rare dans le rock actuel.
En plus de ces innovations, le groupe parvient à enfouir sous ces expérimentations un fil directeur unissant chaque pièce, ou presque. On pourrait parler de fragilité ambiante, ou de douce puissance pour décrire ce fil, mais vraiment, il faut entendre pour comprendre. Ce disque s’écoute du début à la fin sans interruption et jamais on ne s’ennuie pendant le voyage; n’est-ce pas là la marque des grandes œuvres?
Certains pourront reprocher à ces Chemins de verre de manquer d’intensité, de ne jamais atteindre le niveau de révolte du Coup d’État, par exemple. N’empêche qu’il s’agit d’une grande œuvre, en fait, d’une autre grande œuvre pour Karkwa, du genre qui marque son époque. Bravo mille fois.
Karkwa – Les Chemins de verre (Audiogram)
Écrit par Philippe Meilleur, Vendredi, 09 avril 2010
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