Des mots qui flottent, qui dansent, sur des musiques tantôt douces et éthérées, tantôt étouffantes et contraignantes.
Un soupçon de Patrick Watson et de Marie-Pierre Arthur, compagnons de notes et d’envolées lyriques, beaucoup de distance entre eux et Radiohead. Même si la filiation était plus dans nos têtes que dans la musique.
Des mots qui frappent et qui se détournent de leur sens, souvent. Au milieu des mélodies, des phrases obtuses, ouvertes à l’interprétation. Entre les mots, des mélodies-fleuves, qui s’enfouissent dans le crâne sans être radiophoniques.
Les chemins de verre est un album de coupures, essoufflant à écouter d’une traite, tellement il est déstabilisant, foisonnant et riche. Des microfractures ponctuent chaque pièce, jusqu’à la première vraie brisure, Dors dans mon sang, au texte court, au piano solennel et aux ambiances à la fois aériennes et oppressantes. Et les pistes vocales de presque toutes les pièces sont doublées, triplées même, accentuant ces sensations contradictoires.
Funambules sur le mince fil qu’est le leur, à jongler la musique, un peu plus loin qu’Oublie Pas les avait emmenés, à la frontière, pas encore franchie, qui l’accessible de l’expérimental.
Volonté de réduire le Volume du Vent, de s’éloigner du tourbillon, de «grounder» les âmes sur le concret, avec des pulsations presque cardiaques en background, au milieu de toutes les cassures – de rythme, de style, de registre.
On sent Lafontaine et Cormier libérés de la plupart des angoisses qui planaient sur Le Volume du Vent mais demeurent quand même certains moments induisant la claustrophobie (étouffante deuxième moitié de Le Bon Sens, textes qui parlent d’asphyxie, de dépendance) qui cohabitent avec une ouverture sur le bonheur retrouvé, comme un vasistas qui laisse entrer un peu de lumière dans le sous-sol. Avec pour preuve cet extrait de Moi-léger:
«C’est un passage obligé / un long couloir à creuser entre moi et moi-léger / C’est une chanson de lumière, l’étape après la misère / l’émotion d’un courant d’air.»
Les chemins de verre me semble l’album de Lafontaine et Cormier – en grande voix - comparses de longue date, qui écrivent et jouent sur tout, ou presque. Un PEU à la manière des Beatles, où Lennon et McCartney étaient les figures fortes, ils «laissent» une chanson, Au-dessus de la tête de Lilijune, à Sagot, qui cosigne quelques autres textes.
Fruit d’un court labeur de même pas 24 mois, offrande à nos oreilles de Cormier et Lafontaine, en grande partie. Certains titres bifurquent, ne me donnent pas La Piqûre, mais l’ensemble respire, vit, loin de la froideur des ordinateurs. Et parfois, en tendant l’oreille, on entend même les grillons.
Vibrant, acoustique, organique, analogique (merci ARP 2600!), c’est un album qui vibre et qui vit, enregistré à chaud, avec le cœur plus qu’avec la tête, qui marque la réconciliation de deux univers (l’émotif et le cérébral) qui avaient de la difficulté à cohabiter pour plus longtemps qu’une ou deux chansons chez Karkwa.
Le groupe se rapproche de la fusion entre les deux, dangereusement près d’être une bibitte musicale qui peut se permettre toutes les explorations en gardant l’oreille des non-initiés.
Ont-ils en eux la capacité de se tromper?
Article de Frédéric Mailloux, Canoë, le 25-03-2010
Article de Frédéric Mailloux, Canoë, le 25-03-2010
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