TORONTO — Félix, Polaris, Juno… Peu importe la couleur du trophée ou la forme de la statuette, Karkwa a maintenant toute la collection. La question qui se pose après l’obtention du Juno remis au meilleur disque francophone (Les Chemins de verre), samedi soir, est : jusqu’où peuvent-ils aller ? Et si la réponse était « jusqu’au bout du monde » ? (...)
« OK… », dit Louis-Jean Cormier, après avoir pris une bonne respiration dans le couloir du Allstream Center, quelques instants après avoir rencontré les médias canadiens.
« Avec les succès qu’on a eus ces derniers mois, les présences à South by Southwest, tous les trophées… On parle de mini… J’insiste sur le mot mini… On parle de mini-tournées assez loin à l’étranger. On a des spectacles confirmés en Angleterre et en Islande dans quelques mois et on discute aussi pour aller jouer en Australie, en Allemagne, en Italie, en Hongrie…
« Et en Libye ! » interrompt Julien Sagot, provoquant l’hilarité générale.
« Tiens, c’est une idée, renchérit Stéphane Bergeron. On va aller faire un corpo pour Kadhafi… »
Visiblement, les Québécois n’attendaient pas ce prix, pas plus que le Polaris, pourrait-on ajouter. En septembre, c’était la complète incrédulité qui se lisait sur les visages des boys au moment où Les Chemins de verre ont remporté le prix Polaris. Cette fois, c’était quelque peu différent.
« Quand j’ai entendu notre nom, je me suis dit pas encore ! » lance François Lafontaine, qui précise qu’il n’est pas blasé une seconde. Nous sommes tellement choyés ! On pensait que Fred (Pellerin) allait gagner en raison du poids des ventes de disques. »
Réussite inattendue
L’ironie suprême dans toute cette affaire, c’est que Les Chemins de verre ont été faits sans pression et presque sans attentes.
« On ne pensait même pas en faire un disque », note Lafontaine.
« Je me dis qu’on devrait toujours appliquer cette façon de faire à tous nos projets, poursuit Cormier. Appliquer ce mode de fonctionnement, c’est-à-dire capter un moment dans un endroit précis, faire une résidence… Bref, capter des frissons. Ce disque-là était fait à fleur de peau. »
Tous s’entendent pour dire que même s’il s’agissait d’une catégorie francophone, le prix Polaris a pesé lourd dans l’obtention de ce Juno.
« Je pense que le prix Polaris a attiré l’attention sur nous et a permis à des membres de l’Académie canadienne de nous découvrir », souligne Bergeron.
« Le prix Polaris est un prix plus alternatif, ajoute Cormier. Les Junos ont un public plus large. »
Un collègue journaliste canadien notait que les années 1970 avaient mené à des groupes québécois comme Harmonium qui ont – pendant une courte période de temps – fait quelque peu tomber les barrières entre les deux solitudes, avant que la « guerre froide » recommence. Karkwa peut-il faire la même chose en 2011 et être un nouveau pionnier ?
« Malajube a commencé à faire ça avant nous, minimise Lafontaine. Il y a aussi Misteur Valaire, qui sont ici, qui font ça aussi. »
« Je crois qu’il est possible de chanter en français partout sur la planète, continue Cormier. On essaie juste de saisir les occasions qui s’offrent à nous. Polaris… Juno… On essaie de représenter le mieux la scène montréalaise dont nous sommes issus. »
Quand les boys sont partis manger un morceau avant de monter sur scène, on ne leur a pas demandé s’ils pensaient gagner le Juno remis à l’album alternatif. Ils savaient que celui-là allait échoir à Arcade Fire. Mais dans quelques années, après des « mini »-tournées mondiales… qui sait ?
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