Louis-Jean Cormier se prend pour Michael Jackson le temps de quelques pas de danse dans une salle de quilles presque déserte. Par un bel après-midi de mars, dans un bled du centre de l'Ontario, le chanteur de Karkwa vient de marquer trois abats d'affilée devant ses potes. L'exploit lui inspire spontanément... un moonwalk.
Les gars de Karkwa n'ont rien des musiciens ténébreux que je m'étais imaginés en allant les rejoindre en train, réécoutant dans mon baladeur leur rock mélancolique et touffu. Ils sont aussi bouffons et sans prétention dans leur quotidien que sérieux dans leur démarche artistique. Même dans la morne ville de Peterborough, au cours d'une tournée ontarienne à la fois éreintante et arrosée, il y a de quoi les dérider : deux parties de quilles, trois pichets de bière, une assiette de hot-dogs « frettes » commandés dans leur anglais massacré, et les moqueries affectueuses d'une vieille gagne de chums.
Cette virée, leur première au Canada anglais, est ce qu'on appelle une tournée « brune » dans le jargon karkwaïen. Les bars miteux à la sonorisation déficiente où le public écoute à moitié. Les loges mal chauffées. Le genre de salles pas très hospitalières où le groupe a longtemps roulé sa bosse. Après quatre albums et 10 ans de carrière, alors qu'ils sont bardés de trophées et chouchoutés par la critique au Québec, les cinq jeunes trentenaires retournent à la case départ. À Waterloo, London, Hamilton, Peterborough, Kingston, Ottawa et Toronto. Je les rejoins à mi-chemin du périple, curieuse de voir si le groupe québécois de l'heure peut accomplir ce qu'aucun autre n'a réussi : percer en français dans « l'autre solitude ».
« Ça fait du bien de revivre ça, dit Louis-Jean Cormier, brun bouclé aux grands yeux de gamin allumé. C'est très différent du Métropolis, où les spectateurs connaissent les paroles et t'acclament. Ici, il faut que tu te battes pour les gagner. » Les bons soirs, le courant passe entre le public et la bande - Louis-Jean au chant et à la guitare, François « Frank » Lafontaine aux claviers, Martin Lamontagne à la basse, Stéphane Bergeron à la batterie et Julien Sagot aux percussions. Mais il y a des jours où la route leur semble longue, et ces efforts de défrichage, incertains.
Nous ne sommes qu'à 500 km à l'ouest de Montréal, mais on se croirait sur une autre planète. Le nom du groupe n'apparaît nulle part sur la marquise du Red Dog, taverne rustique de Peterborough. C'est un trio anglo-montréalais, Plants and Animals, qui est la tête d'affiche de cette tournée, et Karkwa chauffe la salle...(lire la suite en kiosque)
Extrait de l'article "Karkwa les dernières flèches ?" par Noemi Mercier le 12 Août 2011
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