Ils ont travaillé ensemble sur les spectacles de Beast, Misteur Valaire et celui de Vincent Vallières. Pas comme guitariste ou batteur. Mais comme éclairagiste et metteure en scène.
Lui, c'est Mathieu Roy, nommé plusieurs fois à l'ADISQ, qui a conçu les éclairages des spectacles des Karkwa, Patrick Watson et Malajube. Elle, c'est Brigitte Poupart, comédienne, membre des Zapartistes et metteure en scène de spectacles pop-rock depuis quelques années, que ce soit pour Florence K. ou Yann Perreau.
«Avec Mathieu, c'est un match naturel, indique-t-elle. On décortique chaque chanson. Je pense à une scénographie et Mathieu construit un éclairage. Tout se tient ensemble. On ne travaille pas chacun de notre côté.»
Mathieu Roy est un self-made man. Au début des années 2000, il travaillait comme technicien aux éclairages au Cabaret Music Hall. «Il y avait des shows presque sept soirs par semaine, se souvient-il. Pat Watson est venu jouer. Je ne le connaissais pas. Je pensais qu'il venait du Nouveau-Brunswick. J'ai fait un set-up de lumières et c'était parfait... c'est comme si on travaillait ensemble depuis 10 ans.»
C'est ainsi que Mathieu Roy s'est fait confier la conception des éclairages du spectacle de Watson pour Closer to Paradise. Entre-temps, il a rencontré nul autre que Gabriel Pontbriand, l'éclairagiste de Yann Perreau et Ariane Moffatt, qui est devenu son «mentor». «Il m'a appelé pour me dire qu'il y avait un groupe dont il n'avait pas le temps de s'occuper. C'était Karkwa, qui venait de lancer Les tremblements s'immobilisent.»
Depuis, Mathieu Roy a travaillé avec Jorane, Malajube, Jean Leloup, Xavier Caféïne, Marie-Pierre Arthur, etc. En collaboration avec «la femme derrière l'homme», sa blonde Marie-Claude Pinard, qui fait de magnifiques décors «avec rien» et pour qui «rien n'est impossible».
Quant à Brigitte Poupart, c'est après avoir travaillé en 2007 avec Béatrice Bonifassi pour la pièce Un jour où l'autre à l'Espace Go que la chanteuse lui a demandé d'appliquer la même méthode de travail au spectacle de Beast. Et voilà, Poupart s'est mise à travailler avec des musiciens comme Yann Perreau, Marie-Jo Thério, et ainsi de suite.
Le prochain projet commun de Mathieu Roy et Brigitte Poupart? Le spectacle d'Alex Nevsky.
Avec les ventes de disques qui chutent alors que l'industrie du spectacle reprend du galon, Brigitte Poupart pense que de «bons spectacles travaillés vont faire vendre des disques». Pour ce faire, il va peut-être «falloir mettre plus d'argent dans les tournées que dans la mise en marché des disques», plaide-t-elle.
«Dans le temps des James Brown et compagnie, on misait tout sur les spectacles, les costumes et les chorégraphies.»
Mais ce ne sont pas tous les artistes qui se prêtent au jeu de la mise en scène, même si Brigitte Poupart «s'adapte à l'artiste sans le dénaturer». Il lui arrive de se faire dire: «Bon, qu'est-ce qu'elle veut nous faire faire, la metteure en scène?»
«Puncher» au bon moment
«Les transitions, c'est aussi important que les chansons, fait valoir Brigitte Poupart. Il faut qu'on parle à tel moment, mais pas tout le temps. Il faut travailler les transitions comme des chansons, il ne faut pas que les climax soient tout croches pour que le public ne décroche pas, détaille-t-elle. La mise en scène du sous-texte qu'on ajoute pour que ce soit sensoriel, pour qu'on décolle et pour qu'on amène le spectateur ailleurs.»
Et la place à l'improvisation? «C'est bon si on veut aller voir du monde jammer au Bistro à Jojo», répond Mathieu Roy.
Et comment conçoit-il ses éclairages? «Je me fie à la sensibilité des chansons, répond-il tout simplement. Je dois mon succès à la musique. Quand je mets un gros contre-jour ou juste une ampoule de 100 watts sur une ballade piano-voix, ce n'est pas avec n'importe quel artiste que les gens vont dire: wow, c'était écoeurant.»
De son côté, Brigitte Poupart regarde et analyse les vidéos des anciens spectacles des artistes qui l'engagent. Misteur Valaire, par exemple, avait beaucoup d'énergie, mais elle n'était pas canalisée de façon cohérente, a-t-elle constaté.
Pour le spectacle de MV, Brigitte Poupart a vu l'esthétique d'un film de série B. Pour celui de Yann Perreau - qui lui a valu une nomination à l'ADISQ cette année -, elle a imaginé trois parties: une première partie poétique à la David Lynch, une deuxième plus sexy et road movie à la Jim Jarmusch et une troisième pop et party à la Quentin Tarantino.
«Ça détermine des couleurs, des ambiances et ça donne une direction», explique-t-elle.
Conclusion? Si jamais Vincent Vallières ou Yann Perreau gagnent un Félix dimanche prochain au gala de l'ADISQ pour le spectacle de l'année, dites-vous qu'il y a du Brigitte Poupart ou du Mathieu Roy derrière tout ça, et que leur travail n'avait rien d'arbitraire.
Article d'Emilie Côté, La Presse, publié le 02 novembre 2010