À toutes et tous qui sont francophones, à mes lectrices et lecteurs qui résident au Québec, dans le reste du Canada ou même ceux dont les arrière-arrière-grands-parents ont quitté leur territoire d’origine pour une autre vie chez nos voisins du Sud, je souhaite une bonne et belle Saint-Jean.
Ai-je besoin de rappeler que ce blogue n’est pas le lieu virtuel pour discuter de notre avenir politique. Toutefois, il y est tout à fait indiqué de réfléchir ensemble à notre expression chansonnière. Et, tant qu’à y être, profiter de cette occasion pour nous projeter plus loin dans la décennie qui s’amorce ou même dans les autres qui suivent.
La modernité québécoise a vu naître la chanson d’auteur dans les années 60. Une pop moderne et distincte s’est imposée au cours des années 70. Après une chute importante durant les années post-référendaires, l’expression francophone a émergé de nouveau à la fin des années 80. Depuis un quart de siècle, cette expression s’est fragmentée en de multiples sous-genres, depuis la petite variété star-académicienne au hip hop tous azimuts en passant par le rock indé et la plus pointue des chansons d’auteur. Il va sans dire, la dernière décennie nous a fait découvrir une gamme impressionnante d’artistes de talent.
Le seul hic, c’est que cette production originale est demeurée insulaire, sauf exception – Coeur de pirate, quand tu nous tiens ! Pourra-t-elle le demeurer indéfiniment ? La planète ne cesse de rapetisser, pas évident que les francophones d’Amérique pourront vivre dans cette autarcie comme ils l’ont fait depuis la Révolution Tranquille avec le soutien d’un État mieux nanti qu’il ne l’est aujourd’hui.
Au Brésil où j’ai passé quelques semaines au printemps dernier, l’autosuffisance culturelle est encore envisageable : près de 200 millions de lusophones y occupent la moitié d’un continent. En Amérique du Nord ? Entourés de plus de 300 millions de personnes ayant choisi l’anglais pour de bon, moins d’une dizaine de millions de francophones peuvent-ils voir les choses ainsi ?
On a beau se réjouir du talent incontestable des Karkwa, Malajube, Catherine Major, Yann Perreau, Fred Fortin, Mara Tremblay, Vincent Vallières, Dumas, Pierre Lapointe et autres Damien Robitaille (tous apparus au cours de la dernière décennie), rester entre nous sans connexion réelle avec le reste de l’espace francophone ne sera peut-être plus envisageable encore longtemps.
À l’heure des expressions mondialisées, une chanson québécoise (ou francophone d’Amérique) confinée à son territoire pourra-t-elle s’émanciper au cours de la prochaine décennie ? Au cours des prochaines générations ?
Sans une interpénétration beaucoup plus active de toutes les expressions françaises d’Europe (où tant de jeunes Français se mettent à l’anglais), d’Amérique du Nord, des Antilles, d’Afrique ou de l’océan Indien, qu’en sera-t-il en 2050 ?
Sans un espace francophone beaucoup plus cohésif, qu’en sera-t-il ?
À mon humble avis, pas grand-chose.
Je ne suis pas pessimiste pour autant, et je nous souhaite les meilleures chansons québécoises écrites dans un français à la fois spécifique et parfaitement maîtrisé.
Je nous souhaite des musiques en phase avec les tendances les plus créatives de la pop culture.
Et je vous demande ceci en terminant:
Croyez-vous à l’avenir d’une expression francophone d’ici ?
Si c’est le cas, quels artistes francophones d’ici avez-vous identifé pour la prochaine vague ?
Article d'Alain Brunet dans La Presse, le mercredi 23 juin 2010
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